Les « savoirs pratiques  » : quel modèle épistémologique pour les Sciences du design ?

Ce jeudi 18 mars 2021, de 15h00 à 17h00, la séance du séminaire DEIS a pour titre   » Les « savoirs pratiques  » : quel modèle épistémologique pour les Sciences du design ?  » . Pour cette séance est intervenu Rabah Bousbaciprofesseur agrégé de l’Université de Montréal, Faculté d’aménagement à l’École de Design.

L’épistémologie du design n’est pas une « théorie de la connaissance » à l’instar des épistémologies des sciences, mais une « théorie de la pratique », plus précisément une « théorie des savoirs pratiques » en design. En ce sens, épistémologie du design est synonyme de « épistémologie du projet » : quelle est notre théorie du projet (ou des savoirs du praticien que nous formons) en design ? La conférence fera d’abord un bref détour par les épistémologies des sciences “classiques” (de Descartes à Popper) et les épistémologies critiques de ces dernières (pragmatisme, phénoménologie, herméneutique, constructiviste, etc.) afin de comprendre la spécificité de l’épistémologie des savoirs pratiques. Nous exposerons par la suite cinq modèles/théories/épistémologies de la pratique en design (modèles des Beaux-arts, Bauhaus, les sciences appliquées, praticien réflexif, “éclipse de l’objet”).

Nous proposerons par la suite la nécessité de repenser la « philosophie pratique » et son anthropologie sous-jacente pour bâtir une « épistémologie de la pratique ». La philosophie pratique doit désormais rendre compte du « rapport primaire » de l’Homme au monde qui est d’abord, non pas un rapport théorique, mais un « rapport pratique ». L’anthropologie ou la conception de l’Homme comme un « être d’habitude » conviendrait comme fondation pour une telle philosophie. C’est cette anthropologie et ses conséquences épistémologiques qui sont exposées dans le livre : Bousbaci, R., L’Homme comme un « être d’habitude ». Essai d’anthropologie et d’épistémologie pour les Sciences du design, Québec, PUL, 2020. À cet effet, nous faisons appel à des ressources conceptuelles déjà existantes en philosophie (celles de l’éthique d’Aristote, le pragmatisme de Peirce et Dewey, la phénoménologie de Merleau-Ponty et la sociologie de Bourdieu).

Il est proposé de penser les « savoirs pratiques » des professionnels en général et ceux des designers en particulier comme des « habitudes de penser, d’agir et de faire » qui sont acquises par un apprentissage de type académique. Le terme générique « habitude » se manifeste concrètement en une diversité de formes, telles que les routines, les dispositions (les habitudes intelligentes de Dewey), les vertus (dispositions amenées au stade de l’excellence selon Aristote) et, enfin, l’ethos (habitus, caractère ou manière d’être habituelle) d’une personne qui intègre l’ensemble de ses habitudes. En ce sens, l’expression anglaise « Design Thinking » (ou tout simplement la « démarche de projet » en design) dépeint la « manière de penser habituelle » spécifique aux designers et qu’ils ont apprise à répétition lors de leur formation académique. Le modèle anthropologique de « l’Homme comme un être d’habitude » permet ainsi de rendre compte aussi bien de l’ethos du designer praticien, que de l’ethos de l’usager et, aussi, de l’ethos du chercheur en design : ils peuvent tous être appréhendés comme des « êtres, voire des créatures, de l’habitude ».

 

Cette séance a été organisée en visioconférence.

La présentation de l’intervenant : Présentation Séminaire 18 mars 2021a(1).