Journée d’étude « Pratiques écologiques et sociales de design : enseignements, histoire et perspectives »

18 novembre 2022
Université de Nîmes – Site Hoche

Journée d’études organisée par :
UPR 7447 PROJEKT – Université de Nîmes
UR 4671 ADEF (programme GCAF) – Université d’Aix-Marseille,
CREAT – Haute École Pédagogique VAUD (Suisse)
EA 4100 HICSA (Histoire culturelle et sociale de l’art) – Université Panthéon Sorbonne 1

Cette journée d’étude interroge les manières « de représenter, de produire et d’habiter » et questionne par différentes approches l’enseignement du design, mais également la nécessaire réévaluation du rôle, des pratiques et des imaginaires dans lesquelles s’inscrivent les disciplines de projet en général et du design en particulier. Les chercheur.e.s du GCAF d’Aix Marseille Université, de PROJEKT de l’université de Nîmes, du CREAT de la HEP de Vaud et de l’HISCA de l’université Panthéon Sorbonne 1 orientent cette journée d’étude sur l’enseignement du design dans une perspective écologique et sociale.
Les colloques ou journées d’études récents « Face à l’anthropocène », « Design et vivants », les expositions « les vivants », « réclamer la terre », « le jardin des délices » ou encore « Mimèsis – un design vivant », pour ne citer que quelques exemples récents, investiguent les relations entre design et vivant à l’ère anthropo-techno-plantocène. La multiplication de ces formes de manifestations est révélatrice des relations complexes (antagonistes, dialogiques), qu’entretiennent les pratiques de design avec la nature et plus largement avec le vivant. Les différentes manifestations scientifiques montrent à quel point ces questions traversent les champs disciplinaires traditionnels et impliquent une pluralité de point de vue.
En ce sens, cette journée d’étude croise différents points de vue (historique, esthétique, philosophique, didactique, agro-chimique, artistique) sur les rapports dialogiques entre le design et l’environnement (la nature, le vivant, le milieu). Les différentes contributions ont pour but de nourrir une réflexion didactique sur les enseignements du design. Comment les formations au et par le design, c’est à dire les pratiques de design dans un cadre pédagogique peuvent-elles préparer les futur.e.s designers·euses et plus largement les futur.e.s citoyens et citoyennes aux mutations nécessaires face aux impacts des changements climatiques exposés notamment par les rapports successifs du GIEC ? Quelles pratiques peuvent être développées ou transposées dans des cadres pédagogiques ?

 

Programme de la journée

– 9h00 Accueil café

– 9h30 Accueil

Corinne Le Galle La Salle, vice-présidente recherche Unîmes, Michela Deni, directrice de l’UPR 7447 PROJEKT – Unîmes. Pascal Terrien, responsable du programme GCAF au sein de l’UR 4671 ADEF – Aix-Marseille Université. John Didier, co-responsable du laboratoire international CREAT (UER AT & UER MUS HEP Vaud), Inspé Strasbourg, ACCRA Strasbourg) – HEP Vaud.

– 9h45 – Présentation de la journée. Christophe Moineau + Émeline Roy

– 10h00 – 1ère session – Modérateur Jérôme Dupont

. 10h00-10h40 – 1ère intervention. Stéphane Laurent : Design et nature : une approche historique

 

– 10h40 – Pause-café 20’’

 

. 11h00-11h40 – 2ème intervention.  Vincent Beaubois : Quelle écologie peut incarner le design ? 

 

– 12h 00 Déjeuner sur place

 

– 13h30 – 2ème session – Modérateur John Didier

. 13h30 – 3ème intervention. Gwénaëlle Bertrand / Maxime Favard : L’approche éco-sociotechnique par les types ou la persistance d’un dialogue avec l’industrie

. 14h10 – 4ème intervention. Antoine Rouilly : Design et Biomatériaux

 

 – 14h50 – Pause-café 10’’

 

– 15h00 – 3ème session – Modérateur Christophe Moineau

. 15h00 – 5ème intervention. Romane Walgenwitz étudiante en design diplômée en juin 2022 : Enseignement-apprentissage du design, écologie et vivant

  . 15h15. John Didier et Jérôme Dupont : Présentation du N° 15 de la revue Sciences du design « enseigner le design ».

– 15h30 – Table ronde – Animation-modération Émeline Roy

Participant.e.s : Vincent Beaubois, Gwenaëlle Bertrand, Maxime Favard, Antoine Rouilly, John Didier, Stéphane Laurent, Éric Tortochot, Jérôme Dupont.

– 16h30 – Clôture de la journée

 

Présentation des intervenant.e.s et résumés des interventions

Stéphane Laurent 

Stéphane Laurent est historien de l’art, Doyen exécutif de la Faculté d’art, de design et d’architecture de l’Université de Johannesburg/maître de conférences HDR à l’université de Panthéon Sorbonne, responsable de la spécialité Art et industrie (design, mode et arts décoratifs).

Design et nature : approche historique

Le lien ancien qu’entretient le designer avec la nature prend deux formes, celle de l’imitation et celle de l’organicité. Le mot « design » apparaît en Angleterre au début du 18e siècle et englobe les concepteurs d’objets et de décors. On parle en France de dessinateurs de modèles. Ceux-ci sont souvent fondés sur l’ornementation inspirée des règnes végétal et animal mais dans certains mouvements comme le Rocaille ou l’Art Nouveau ou chez certains acteurs comme Christopher Dresser, la nature façonne les objets tels de véritables êtres vivants. Cette conception se poursuit au travers du biomorphisme dès la fin du 19e siècle et continue d’inspirer certains designers. Dès la fin des années 1960 le courant d’une pensée radicale implique un rapport à la nature plus engagé au travers de la responsabilisation de l’acte de création en fonction des préoccupations sur l’environnement.

 

Vincent Beaubois 

Vincent Beaubois est maître de conférences en philosophie à l’Université Paris Nanterre. Ses recherches s’articulent autour des questions touchant à la technique, aux cultures matérielles, à la philosophie contemporaine et aux gestes de création.

Quelle écologie peut incarner le design ? 

La matrice du design industriel – tel qu’il se construit historiquement au cours du xxe siècle – se précipite autour d’une question de puissance : le design serait une puissance de résolution de problème. Polarisées par leur dimension projective, les pratiques de design sont hantées par un désir de résolution : il s’agit de proposer des situations « nouvelles » dont la ou le designer aurait la charge de mettre en avant la désirabilité, la situation nouvelle devant être « préférée » à la situation « existante » suivant la célèbre définition de H. Simon (1969). Cette dimension résolutrice se trouve au cœur d’une logique de l’innovation qui participe du problème écologique lui-même, compris comme processus d’épuisement des écosystèmes, des solidarités sociales et des consciences. En ce sens, le tropisme « solutionniste » qui anime le design comme discipline du projet échoue à problématiser son rapport à la question écologique. Que peut alors le design face à cette déroute écologique ? Il nous semble que pour répondre à cette question, il faut sortir de l’interrogation visant à comprendre comment le design peut mettre en forme des alternatives à cette impasse. Il s’agit plutôt de se recentrer sur ce qui fait la teneur intrinsèque d’un geste de design par-delà sa dimension solutionniste. L’écologie ne doit pas être pensée comme un champ d’intervention de plus pour le design (comme il pourrait opérer indifféremment dans le champ du retail ou celui des organisations), mais ce qui l’oblige à problématiser la teneur même du geste de conception. On verra alors que la dimension écologique n’est pas absente du design : elle doit être perçue de manière endogène à cette pratique dans sa capacité à produire des « milieux de conception » dont la charge politique ne doit pas être évacuée.

 

Gwénaëlle Bertrand et Maxime Favard

Gwenaëlle Bertrand et Maxime Favard sont designers et maîtres de conférences en design, respectivement à l’université Jean Monnet Saint-Étienne et à l’université de Strasbourg. Leurs recherches visent à interroger les implications industrielles, politiques et sociales du design et des nouvelles technologies à travers l’étude des techniques et l’approche collaborative par le projet.

L’approche éco-sociotechnique par les types ou la persistance d’un dialogue avec l’industrie.

En rappelant un certain nombre d’exercices pédagogiques élaborés dès le 20e siècle dans les premières formations allemandes dédiées à la création appliquée à l’industrie (Deutscher Werkbund et staatliches bauhaus) et à leur suite, celle de la Hochschule für Gestaltung Ulm, on s’attachera à comprendre comment l’enseignement par les types (Typen en allemand) évolue, aujourd’hui, vers une dimension éco-sociotechnique. C’est-à-dire, comment les exercices d’élémentarisation, de combinatoire et de système qui caractérisent la typification sont, aujourd’hui, l’occasion d’une pensée écosystémique du design à l’intersection des dimensions environnementale, sociale et technique. Plus encore, il s’agira de nous intéresser au « milieu mixte » que Gilbert Simondon nomme « techno-géographique » (MEOT, p. 68) afin de comprendre comment, dans le cadre d’une formation en design en relation avec l’industrie, l’objet technique concentre et exprime une critique opérationnelle des fonctionnements techniques à l’ère de l’Anthropocène.

 

Antoine Rouilly 

Antoine Rouilly est ingénieur chimiste, maître de conférences HDR au laboratoire de chimie Agro-industrielle (LCA). Ses recherches portent sur les agro-matériaux, biopolymères, biocomposites, et leurs procédés de mise en œuvre.

Design et Biomatériaux. Quelle interaction entre design et science des matériaux pour le développement de nouveaux matériaux réellement respectueux de l’environnement ?

L’avènement au début du XXème siècle de la matière première pétrole a certes permis un développement technologique ultra-rapide des sociétés humaines mais est aussi la cause de drames écologiques terribles, par oubli ou méconnaissance de cet écosystème dans lequel l’homme n’est qu’un maillon. L’effet de serre lié au dégagement de CO2 produit par la combustion des carburants fossiles en est la conséquence visible, la plus médiatique mais l’agriculture (fertilisants et pesticides) et les matériaux (polymères) ne sont malheureusement pas en reste. Et aujourd’hui, il n’est plus compréhensible qu’on introduise sans contrôle dans notre environnement des molécules qui interagissent de manière néfaste avec le vivant et qui donc s’éloignent trop des structures constitutives des végétaux et des animaux.

Le développement des biomatériaux est aujourd’hui presque aussi nécessaire qu’une révolution dans notre usage des matériaux. Cela passera par une collaboration en recherche plus intense entre design et science des matériaux, avec des réflexions communes, par exemple, entre les théories de process minimal en agro-alimentaire8 et celles du design du milieu9. Et cela passera aussi forcément par des actions transversales en enseignement pour préparer les jeunes à ces questions complexes.

 

Romane Walgenwitz :  enseignement-apprentissage du design, écologie et vivant

Romane Walgenwitz est designer, ancienne étudiante de DSAA design de l’École Supérieure de design de Marseille (ESDM) diplômée en juin 2022. Son travail de diplôme porte sur la valorisation du byssus de moules.